Citations commentées


  Depuis cette page vous avez accès à une base de données de citations en rapport avec le programme de terminale. Elles sont rapidement commentées pour que vous puissiez facilement les insérer dans une argumentation, parce qu'une citation seule, qui n'est pas commentée, n'a qu'un intérêt très restreint. Je vous indique pour chacune dans le cadre de l'examen de quelles notions elle est plus particulièrement utile.
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« La philosophie commence avec l'étonnement »

Aristote
,  Métaphysique

S'étonner devant une réalité ou devant la réalité dans son ensemble, c'est en prendre conscience, prendre du recul par rapport au réel et le considérer comme n'allant pas de soi, comme problématique. C'est découvrir son ignorance aussi, et donc se mettre en quête de la connaissance. Philosopher c'est s'étonner ou se déprendre de notre attitude quotidienne vis-vis du réel et le mettre en question, au sens littéral : en faire une question.

Notions liées : La raison et le réel – La vérité - La conscience


« Deux hommes, s'ils veulent s'entendre, ont dû d'abord se contredire. La vérité est fille de discussion, non pas fille de sympathie. »

Bachelard
,  La philosophie du non

La découverte de la vérité se fait de manière dialogique (dans le dialogue) et polémique (par la confrontation des idées et la critique mutuelle). Le modèle de cela c'est le fonctionnement et la dynamique d'une communauté scientifique, mais cela peut s'appliquer à tous les autres domaines. Penser, même seul, c'est toujours dialoguer au moins avec soi (en faisant des objections, en essayant d'adopter le point de vue de l'autre), avec les pensées des auteurs du passé, ou réellement, avec d'autres.

Notions liées : La vérité – Le langage


« C'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique. »

Bachelard
,  La Formation de l'esprit scientifique

Bachelard a mis en évidence dans le livre dont est tirée cette phrase que l'esprit qui veut faire oeuvre de science ne doit pas seulement affronter des obstacles externes, mais aussi des obstacles qui viennent de lui. Il y a dans nos manières habituelles de raisonner, dans notre esprit même des éléments qui font "obstacle à la spiritualisation".
Autrement dit, pour acquérir l'esprit scientifique, il nous faut, avant de vaincre la nature, lutter contre nous-même, contre les penchants naturels de notre esprit. Il nous faut surmonter ce que Bachelard appelle donc des obstacles épistémologiques.

Notions liées : La raison et le réel - La vérité - Théorie et expérience


« L'opinion a, en droit, toujours tort »

Bachelard
,  La formation de l'esprit scientifique

Cette affirmation ne peut se comprendre que si on prête attention à l'expression "en droit" qui est utilisée ici. Une opinion peut être vraie, dans son contenu : je peux émettre une opinion sur un sujet que je ne connais pas du tout et, par chance, "tomber juste" comme on dit. Mais là n'est pas le problème pour Bachelard : Une opinion, même "vraie", n'a pas de valeur, en tant qu'opinion. Ce qui est en cause c'est la manière par laquelle elle a été établie. En fait, une opinion, dans son sens le plus bas, considéré ainsi par l'auteur, est une affirmation que nous émettons à propos d'un objet, d'un problème, sur lequel nous n'avons pas réellement réfléchi. Nous réagissons simplement, ou nous disons ce que nous avons entendu ou ce qui nous est passé spontanément par la tête.
Or, comme le dit encore Bachelard, "L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement."

Notions liées : La vérité - La raison et le réel


« L'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie. »

Bataille
,  L'érotisme

L'homme est ici pensé, comme dans une longue tradition classique, comme séparé de la nature, ou tout du moins comme l'animal qui, par l'éducation (discipline et instruction) et la technique, s'éloigne de la nature. Cette phrase réactive le mythe prométhéen dans lequel l'homme est déjà pensé comme un être à part, sans nature, dont seules la vie sociale et la technique rendent possible la survie.
Bataille insiste sur le fait que l'homme construit le monde humain par une série de négations. C'est en niant la nature telle qu'elle se donne à lui immédiatement, ainsi que sa nature (ses pulsions, tendances, désirs...), qu'il affirme sa liberté et se construit en tant qu'homme.

Notions liées : La culture - Le travail et la technique - La liberté


« La question n'est pas : "peuvent-ils raisonner ?", ni "peuvent-ils parler ?", mais "peuvent-ils souffrir ?". »

Bentham (Jeremy)
,  Introduction aux principes de la morale et de la législation

Cette phrase est célèbre aujourd'hui chez les militants de la cause animale. Bentham est en effet un des premiers auteurs à avoir voulu inclure d'autres animaux que l'homme dans la sphère des préoccupations morales.
Il rompt avec la tradition cartésienne pour laquelle les animaux ne sont que des machines tellement bien faites par Dieu que nous n'en voyons pas les rouages et qui sont, par conséquent, dénués non seulement de sentiments mais même de la capacité de ressentir le plaisir et la peine.
Il rompt également, avec un certain intellectualisme morale doublé d'un anthropocentrisme, qui veut que seul l'homme, en tant qu'être raisonnable, puisse être considéré comme un sujet moral, comme digne de respect (Kant).
Ce qui fonde le devoir moral pour Bentham et les utilitaristes, c'est le principe d'augmenter, autant que faire se peut, le plaisir (ou le bien-être) de tous les êtres sensibles (pas seulement l'homme donc) et/ou de diminuer le plus possible leurs souffrances.

Notions liées : La morale - Le devoir - Le vivant - La matière et l'esprit


« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément »


Boileau
,  De l'art poétique

Cette phrase du poète classique Boileau, illustre l'idée selon laquelle, comme dit Hegel, c'est dans les mots que nous pensons. Il n'y a pas de pensée hors de ceux-ci, sinon des pensées vagues et inabouties. Cela s'oppose à la vision 'romantique' qui fait de la soit-disant pensée 'indicible', la pensée la plus riche et la plus profonde...

Notions liées : Le langage


« Je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose »

Descartes
,  Principes de la philosophie

Cette phrase exprime le point de vue mécaniste de Descartes sur le corps. Pour connaître les êtres vivants nous pouvons les considérer comme des machines, et par conséquent, nous pouvons considérer que les lois de la physique ne s'appliquent pas uniquement aux réalités inertes : On parle alors aussi d'approche physicaliste.

Notions liées : La raison et le réel - Le vivant - La matière et l'esprit


« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu'ils portent sur les choses. »

Epictète
,  Manuel

Conformément à sa distinction entre les choses "qui dépendent de nous" et celles "qui ne dépendent pas de nous", Epictète considère que nous ne pouvons jamais être troublé ou blessé en raison d'une cause extérieure. Seules nos opinions ou nos représentations ont ce pouvoir : si je souffre parce que quelqu'un m'a injurié, ce n'est pas à cause de la personne qui m'insulte, mais à cause du fait que je me soucie de son opinion alors que par définition je n'ai aucun pouvoir sur elle, sur ses représentations.

Notions liées : Le bonheur


« La mort n'est rien pour nous »

Épicure
,  Lettre à Ménécée

Cette phrase célèbre ramasse en une formule choc la réflexion sur la mort d’Épicure. S'il peut affirmer quelque chose d'aussi radical, c'est parce qu’Épicure fait de la sensation la source de toutes nos connaissances et expériences : nous ne pouvons connaître ou expérimenter que ce que nous pouvons sentir. Or, par définition, dans le système matérialiste épicurien, l'âme est mortelle. Elle est par ailleurs la cause de notre capacité de sentir. Ainsi, lorsque nous mourrons, notre âme se défait, nous ne pouvons plus rien sentir, ni douleur, ni plaisir. Donc, la mort n'est rien pour nous, au sens où nous n'en faisons aucune expérience, ni en bien, ni en mal.

Notions liées : L'existence et le temps - Le bonheur


« Le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse »

Epicure
,  Lettre à Ménécée

La philosophie épicurienne est une philosophie hédoniste, c'est-à-dire qu'elle fait du plaisir le but de la vie, ce qu'exprime la citation ci-dessus. Elle en fait d'ailleurs aussi le critère pour juger de tout ce que nous devons rechercher ou rejeter : est bon pour nous ce qui nous procure du plaisir; est mauvais l'inverse.
Il faut cependant préciser, contre les détracteurs auxquels ont eu à faire face les épicuriens, que l'hédonisme en question est très modéré. En aucun cas il ne s'agit de faire l'éloge d'une vie de débauche, où tous les plaisirs seraient recherchés, sans freins ni limites.
Épicure recommande d'être attentif au fait que certains plaisirs ne doivent pas être satisfaits ou avec modération, comme on dit aujourd'hui, car des excès de certains plaisirs peuvent naître des désagréments ou des souffrances (une indigestion suite à un repas trop riche par exemple); et certains déplaisirs peuvent être avantageux en ce qu'il nous garantissent un bien-être ou un plaisir futur (boire un SMECTA ou réviser son bac ! ;) ).

Notions liées : L'existence et le temps - Le bonheur - Le désir


« La vie telle qu’elle nous est imposée est trop dure pour nous, elle nous apporte trop de douleurs, de déceptions, de tâches insolubles. Pour la supporter, nous ne pouvons pas nous passer de remèdes sédatifs. »

Freud
,  Le malaise dans la culture

Dans cette phrase, extraite d'un livre aux tonalités assez, voire franchement, pessimistes, Freud affirme que nous avons besoin d'inventer des stratégies ou de trouver des palliatifs, pour supporter la vie, étant donné, comme il le dit quelques lignes plus loin, qu'il semble "qu'il n'est point entré dans le plan de la « Création » que l'homme soit « heureux»".
Il poursuivra en disant que ces remèdes sont de trois sortes : "de puissantes diversions qui nous permettent de faire peu de cas de notre misère, des satisfactions substitutives qui la diminuent, des stupéfiants qui nous y rendent insensibles."
Bref, comme disait l'autre
"Il faut être toujours ivre, tout est là; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!
"


(au fait : "l'autre, c'est Baudelaire !")

Notions liées : Le bonheur - La vérité - L'art


« Ce n'est qu'au prix d'une prétention intenable que l'on peut exiger que tout ce qui se produit dans le domaine psychique doive aussi être connu de la conscience. »

Freud
,  Métapsychologie

Pour Freud, ses découvertes ont mis en évidence qu'une grande de la vie psychique de l'homme lui échappe. Les informations que notre conscience nous fournit sur notre vie intérieure sont partielles, lacunaires. Seul la répugnance narcissique à avouer notre propre faiblesse, notre ignorance sur nous-même fait que nous refusons d'admettre "l'hypothèse de l'inconscient".

Notions liées : La conscience et l'inconscient - La vérité


« L’interprétation des rêves est, en réalité, la voie royale de la connaissance de l’inconscient »

Freud
,  Cinq leçons sur la psychanalyse

Phrase célébrissime et facile à retenir permet de soutenir l'idée que les rêves et leur analyse sont un moyen privilégié d'accès à la connaissance de l'inconscient. Rappel : ils sont considérés par Freud comme des "la réalisation déguisée de désirs refoulés".

Notions liées : La conscience et l'inconscient - L'interprétation - Le désir


« Les hystériques souffrent de réminiscences »

Freud
,  Cinq leçons sur la psychanalyse

C'est dans la première des Cinq leçons que Freud écrit cela. Il y relate les débuts de la psychanalyse, les premières découvertes fondamentales qui vont lui donner naissance. Or, dans cette formule lapidaire, qui constitue une sorte de définition de l'hystérie, Freud souligne le fait que les malades souffrent d'un rapport pathologique au passé : les événements traumatiques qui sont à l'origine de leur névrose "ne sont pas passés", comme on dit dans le langage courant, ils sont restés coincés (ils n'ont pas été "digérés").


Notions liées : La conscience et l'inconscient - L'existence et le temps


« Le mal est donc au début ce pour quoi on est menacé de perte d’amour »

Freud
,  Le malaise dans la culture

Pour Freud la capacité à distinguer le bien du mal, la conscience morale, n'est pas innée ou naturelle, comme chez Rousseau par exemple : elle se construit dans la petite enfance, par intériorisation des interdits sociaux et parentaux, et c'est d'abord parce que le jeune enfant a peur de perdre l'amour de ses parents quand il leur désobéit, qu'il n'accomplit pas certaines actions dont il sent qu'elles vont déclencher la désapprobation parentale.

Notions liées : La conscience et l'inconscient - La morale - Le devoir


« Rien n'est plus difficile à supporter qu'une série de beaux jours »

Goethe (cité par Freud)
,  Malaise dans la civilisation

Freud cite cette phrase de Goethe dans Le malaise dans la culture, dans un passage dans lequel il se demande dans quelle mesure l'homme peut faire l'expérience du bonheur.
Il remarque que "Ce qu'on nomme bonheur (...) n'est possible de par sa nature que sous forme de phénomène épisodique" et que "nous sommes ainsi faits que seul le contraste est capable de nous dispenser une jouissance intense, alors que l'état lui-même ne nous en procure que très peu".
Ainsi, nous ne sommes jamais aussi heureux d'être en bonne santé que lorsque nous sortons d'une période de maladie; de voir une personne, qu'après une période où elle nous a manqué etc... Alors qu'un plaisir qui dure risque de se muer en ennui, voire en dégoût.

Notions liées : L'existence et le temps - Le bonheur


« Rien de grand dans le monde ne s'est accompli sans passions »

Hegel
,  La raison dans l'histoire

Par cette phrase Hegel adopte un point de vue qui n'est pas du tout celui du moraliste sur les passions. Il ne les juge pas mauvaises parce qu'elles pourraient empêcher d'atteindre la sérénité (comme chez les épicuriens ou les stoïciens) ou parce qu'elles détourneraient par essence l'homme de l'action morale désintéressée (Kant). Il les évaluent du point de vue de leur fonction dans le processus global de l'Histoire humaine : même les passions égoïstes ou "négatives" au sens de la morale commune ont un rôle, elles sont le moyen par lequel la Raison se réalise dans l'Histoire. Ainsi l'Universel se réalise par le particulier, la raison par ce qui semble être la déraison etc... C'est ce qu'Hegel appelle la "ruse de la raison".

Notions liées : L’histoire – Le désir – La morale


« L'art doit donc se proposer une autre fin que l'imitation purement formelle de la nature; dans tous les cas, l'imitation ne peut produire que des chefs-d'oeuvre de technique, jamais des œuvres d'art. »

Hegel
,  Esthétique

Pour Hegel, l'art n'a pas pour but de reproduire ou d'imiter la nature, il doit manifester l'esprit, des contenus spirituels. Jamais les grandes œuvres d'art n'ont eu d'ailleurs pour seul but de copier la nature : elles expriment toujours une vision, une pensée du peintre par exemple, comme dans ces natures mortes où les aliments exposés à notre regard sont là pour nous faire réfléchir à la vanité de la chair ou à sa beauté menacée déjà par la pourriture...

Notions liées : L'art - La technique


« Le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature »

Hegel
,  Esthétique

Cette supériorité du beau artistique sur le beau dans la nature s'explique par le fait que pour Hegel, "l'esprit et ses créations sont plus élevés que la nature". La beauté naturelle est insignifiante, au sens littéral du mot, elle ne signifie rien, ne manifeste aucun contenu spirituel. Une chose naturelle n'existe que de manière immédiate, brute.

Notions liées : L'art - La matière et l'esprit


« Le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie »

Hegel
,  Encyclopédie des sciences philosophiques

Pour Hegel, une pensée ne se réalise vraiment que lorsqu'elle a été "mise en mots". Ce qui existe avant les mots est flou, imprécis, inachevé, il ne s'agit au mieux que d'une vague impression. Ainsi, il s'oppose à ceux qui valorisent l'ineffable, l'indicible.

Notions liées : Le langage


« La raison gouverne le monde »

Hegel
,  La Raison dans l'histoire

Cette phrase étonnante, surtout quand on voit tous les jours le spectacle de la déraison dans le monde, peut nous laisser sceptique, voire moqueur. Elle exprime la foi fondamentale de Hegel dans un sens de l'histoire : malgré les apparences, malgré le chaos, les injustices que nous voyons se produire tout au long de l'histoire, il faut affirmer qu'il y a un ordre sous-jacent, que tout cela a un sens, une raison d'être. Rien n'arrive sans raison : l'histoire des hommes est la réalisation progressive de la raison ou de l'esprit, qui s'incarne dans le réel à travers le temps.

Notions liées : L'histoire - La raison et le réel


« Aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tient en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, la guerre de chacun contre chacun. »

Hobbes
,  Léviathan

Dans cette phrase célèbre Hobbes exprime sa conception de l'état de nature : il imagine que dans cet état hypothétique d'avant la société, les hommes, mûs par leurs seuls appétits et désirs égoïstes, vivent comme dans un état de guerre perpétuelle. C'est pour cette raison qu'il est un des plus fervents théoricien et partisan de la monarchie absolue : le rôle de l'Etat est assurer l'ordre, la sécurité de tous, même au détriment des libertés individuelles.

Notions liées : L’Etat – La société – Autrui


« Une proposition comme celle-ci : le soleil ne se lèvera pas demain, n’est pas moins intelligible et n’implique pas davantage contradiction que cette autre affirmation : il se lèvera. »

Hume
,  Enquête sur l'entendement humain

Apparemment, l'idée selon laquelle la proposition "Le soleil ne se lèvera pas demain" n'est "pas moins intelligible" que la proposition "Le soleil se lèvera" est absurde : tout le monde sait que le soleil "se lèvera" (laissons de côté Copernic...!) demain, et tout le monde pense qu'il s'agit là d'une certitude.
Or, c'est là qu'un problème existe pour Hume : De quel genre de certitude s'agit-il ? Certainement pas d'une certitude démonstrative. Nous savons que le soleil se lèvera demain, parce que l'habitude nous l'a enseigné depuis que nous sommes nés. Nous savons, que depuis que des hommes existent, ils voient le soleil se lever. Mais cette vérité n'est issue que de l'expérience. Nous ne pouvons la démontrer : il ne s'agit pas d'une vérité de raison (établie par la démonstration), mais d'une vérité de fait (résultat de l'expérience). Elle n'est pas certaine absolument, mais seulement probable (fortement probable, en l’occurrence!).

Notions liées : La raison et le réel - La vérité - Théorie et expérience


« “Le vrai” consiste simplement dans ce qui est avantageux pour notre pensée. »

James (William)
,  Le pragmatisme

Contre la définition traditionnelle de la vérité comme accord du discours et de la réalité, William James (1842-1910), développe ce qu'il appelle une conception instrumentale de celle-ci : est vraie une idée qui fonctionne, qui est utile, ou qui est efficace. Cette vision "pragmatique" affirme que si une idée remplit cette condition, elle peut être dite "vraie" et "dans cette mesure seulement" comme dit James. Il est en revanche impossible de se prononcer sur la conformité de cette idée avec une supposée réalité "en soi", indépendante de nous.

Notions liées : La vérité – La raison et le réel


« La plus grande jouissance sensible, qui ne se mêle d'aucun dégoût, consiste, quand on est en pleine santé, à se reposer après le travail. Ce penchant à prendre du repos sans avoir travaillé, quand on est en bonne santé, s'appelle paresse. »

Kant
,  Anthropologie du point de vue pragmatique

Cette phrase, au-delà de ce qu'elle dit sur la personnalité de Kant qui n'était pas vraiment un hédoniste (!), illustre l'idée selon laquelle le travail, comme activité, a une valeur morale et pas seulement un intérêt économique ou social : Il faut mériter son repos ! Si l'on se repose sans avoir durement travaillé auparavant on manifeste une âme vile, qui se laisse aller aux plus basses tendances de l'animalité en nous...

Notions liées : Le travail – La morale - Le bonheur


« Agis donc de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »

Kant
,  Fondements de la métaphysique des mœurs

Cette formulation de la loi morale met l'accent sur le fait que l'homme, en tant qu'être raisonnable, a le statut de personne. Il doit être objet de respect et l'on ne peut en disposer comme d'une chose. Il a une valeur absolue et non relative. Dit autrement, une personne a une dignité alors qu'une simple chose, un objet, a un prix. Cette citation peut servir dans le cadre d'un sujet sur la morale ou sur les échanges (avec un sujet comme "Tout peut-il s'acheter ?" par exemple).

Notions liées : Le sujet – Autrui – La morale – Le devoir – Les échanges


« Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu'a tout homme d'arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. »

Kant
,  Fondements de la métaphysique des mœurs.

Kant exprime ici son opposition à toute doctrine morale qui définit le bonheur comme étant la finalité suprême. Pour lui, non seulement une telle morale implique que celui qui agit n'agit pas par pur respect pour la loi morale (parce que c'est simplement son devoir), mais motivé par un intérêt (être heureux); mais il montre que cette finalité est vague, indéterminée, et qu'à ce titre elle ne peut fonder aucun devoir digne de ce nom : on ne peut formuler, formaliser, aucun principe universel pour déterminer l'action de l'agent. Chacun entend à sa façon, selon son imagination, et non selon sa raison, ce que serait "le bonheur". Et même pire, un seul individu, si on le lui demandait, serait bien en peine de répondre clairement à la question de savoir ce qu'est le bonheur... Il est ainsi plus facile de savoir ce que le devoir moral nous commande de faire que de répondre à la question "Qu'est-ce qui nous rendrait heureux ?"...

Notions liées : Le bonheur - Le devoir - La morale


« Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence. »

Lévinas
,  Éthique et infini

Emmanuel Lévinas fait de la rencontre d'autrui, de son visage, l'expérience éthique fondamentale. Le visage de l'autre nous le dévoile vulnérable, fragile. Il nous révèle du même coup notre responsabilité pour autrui : car si le visage par sa nudité, semble nous inviter "à un acte de violence", comme il le dit ici, il est aussi "ce qui nous interdit de tuer".
Cela ne signifie pas, malheureusement, qu'il soit impossible de tuer une personne qui vous regarde, mais cela est certainement plus difficile (c'est sans doute pour aider le peloton d'exécution à accomplir sa besogne que les yeux des condamnés sont bandés) et la transgression est plus grande encore quand elle est accomplie ainsi.

Notions liées : Le sujet - Autrui - La morale - Le devoir


« Il est nécessaire au Prince […] d'apprendre à pouvoir ne pas être bon »

Machiavel
,  Le Prince

Selon Machiavel, un Prince, s'il veut pouvoir conserver le pouvoir ou atteindre ses fins, ne doit pas toujours "être bon". S'il peut l'être sans danger, rien ne l'empêche d'être vertueux : Machiavel ne prône pas un immoralisme en toutes circonstances; mais justement, les circonstances peuvent rendre nécessaire de faire des entorses à la conduite vertueuse. Il se soucie du résultat de l'action et de la situation particulière dans laquelle elle a lieu : pour qu'elle réussisse, il faut savoir adapter ses principes d'action.

Notions liées : La politique - L'État - La morale


« Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience»

Marx
,  L'idéologie allemande

Marx critique ici l'idéalisme philosophique de Hegel par exemple et de ses héritiers (dont pourtant il fait également partie par de nombreux aspects) qui attribue une toute puissance aux idées sur le monde et une absolue autonomie. Sa perspective est au contraire matérialiste : les idées ne dirigent pas le monde, elles ne sont que le reflet, le produit, d'un certain contexte historique, social, économique etc. La pensée politique, philosophique, et les croyances religieuses d'une époque n'ont aucune existence indépendante de sa structure socio-économique. Tout cela n'est que de l'idéologie qui masque et justifie la réalité plus qu'elle ne permet de la comprendre.

Notions liées : La conscience – La matière et l’esprit – La liberté


Il vaut mieux être un homme insatisfait qu'un porc satisfait; il vaut mieux être Socrate insatisfait qu'un imbécile satisfait.

Mill
,  L'utilitarisme

Dans cette phrase, Mill, qui défend la doctrine utilitariste qui fait du bonheur (ou du plaisir) la finalité de la vie, en particulier morale, précise que cela ne signifie pas que tous les plaisirs doivent recherchés, ou que tous se valent. Pour juger des plaisirs il ne faut tenir compte uniquement de leur quantité ou intensité, mais aussi de leur qualité : certains plaisirs valent plus que d'autres, ou doivent être recherchés préférentiellement.
Ainsi, pour Mill, un humain attend autre chose et plus de la vie qu'un simple (!) animal. L'exemple du porc exprime l'idée que nous sommes moins facilement satisfaits que cet animal (de la nourriture, de l'eau, de la boue !), que nous pouvons donc connaître davantage le malheur ou l'insatisfaction, mais que cela est la marque de notre plus grande dignité.

Notions liées : Le désir - Le bonheur


« La valeur d’un État, à la longue, c’est la valeur des individus qui le composent. »

Mill (John Stuart)
,  De la liberté

On voit ici comment le libéralisme (attentif à la liberté de l'individu et à ses droits) et l'utilitarisme (soucieux du bonheur collectif) de John Stuart Mill s'articulent : une société a intérêt à ce que les individus qui la composent disposent du maximum de liberté, et puissent développer leurs facultés et exprimer librement leurs idées et leur originalité. La diversité des manières de vivre et de penser enrichit une société. Liberté individuelle et bien commun ne s'opposent donc pas.

Notions liées : L’Etat – La liberté - La société


« Tous les hommes sont des bêtes; les princes sont des bêtes qui ne sont pas attachées. »

Montesquieu
,  De l'esprit des lois

Montesquieu est un des grands représentants du libéralisme politique. En tant que libéral, il pense que la finalité de l'organisation politique est certes de garantir la possibilité d'un ordre social, ou la sécurité des citoyens mais pas au détriment de la liberté individuelle. Pour le dire plus vite, la principale fin est la liberté. Or tout pouvoir a tendance à dégénérer en despotisme. Pour prévenir ces dérives, il faut que les institutions, par le biais d'une Constitution ou par un dispositif de séparation et d'équilibre des pouvoirs, rendent impossible qu'un individu (souverain ou président) ou un groupe, même majoritaire, ne puisse abuser du pouvoir. Il faut autrement dit que "le prince" lui-même soit soumis à la loi.

Notions liées : L’Etat – Le droit et la justice – La liberté


« Les hommes, n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés pour se rendre heureux de n'y point penser. »

« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. »


Pascal
,  Pensées

Pourquoi s'enivre-t-on d'alcool ou de travail ? Pourquoi court-on le monde ? Ou après des désirs vains, comme disait Épicure ? Pour courir, pas pour obtenir. Car seul le mouvement, l'action, nous épargnent l'effort et la douleur de penser, de considérer le néant de notre existence, pour Pascal. Toutes les activités dont le principal bénéfice est de nous détourner ainsi de la vérité de notre condition sont des formes diverses du "divertissement".

Notions liées : La conscience – Le bonheur – L’existence et le temps – La vérité


« Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur. »

Pascal
,  De l'esprit géométrique

Pascal met ici l'accent sur le fait que ce n'est pas seulement grâce à la raison que nous pouvons connaître la vérité, ou plutôt qu'il n'y a pas que les vérités rationnelles ou discursives (découvertes grâce à un raisonnement, un discours). Certaines vérités se saisissent directement, par une sorte d'intuition, d'instinct ou de sentiment. Il ne s'agit pas d'ailleurs que des vérités "morales" ou religieuses. C'est aussi grâce à une telle intuition que les mathématiciens "voient" les premiers principes de leurs démonstrations : Tout n'est pas démontrable, y compris en mathématiques et en particulier pas les principes qui sont au fondement des démonstrations, autrement appelées axiomes ou postulats.

Notions liées : La vérité – La raison et le réel – La démonstration – La religion – La morale


« L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. »

Pascal
,  Pensées

Dans cette phrase nous voyons, comme souvent chez Pascal, que l'homme est un être paradoxal, à la fois grand et misérable. Misérable, car il est insignifiant au regard de l'infinité de l'univers. C'est un être faible, qui ne sait ni pourquoi il est sur terre, ni qui il est, ni ce qu'il y a après la mort par exemple. Mais en même temps, il est "grand" parce qu'il possède la conscience de sa condition, il est grand "en ce qu'il se connaît misérable". Ainsi, cette image du "roseau pensant" synthétise cette nature "incompréhensible" : l'homme est un être faible de la nature et en même temps il lui est supérieur.

Notions liées : Le sujet - L'existence et le temps - La conscience - Le bonheur - La matière et l'esprit


« Une théorie qui n'est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique »

Popper
,  Conjectures et réfutations

Karl Popper énonce par cette phrase ce qui distingue une science d'une "pseudo-science". Contrairement à ce que l'on pense souvent, ce n'est pas la vérifiabilité qui est le vrai critère de démarcation, mais la "falsifiabilité" ou la réfutabilité.
Un énoncé réellement scientifique peut ou pourrait être contredit par une observation ou une expérience, alors qu'un énoncé d'une pseudo-science ne peut jamais être mis en défaut : tous les faits observables ou même concevables ne semblent que pouvoir le corroborer. C'est le cas pour Popper des énoncés de l'astrologie ou de la psychanalyse.

Notions liées : La vérité - La raison et le réel - Théorie et expérience


« L'obéissance au seul appétit est esclavage et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. »

Rousseau
,  Du contrat social

Par exemple : vous montrez davantage que vous êtes libres, en vous mettant au travail et en révisant, parce que votre raison vous dit que c'est ce que vous devez faire, qu'en cédant à la tentation (à votre désir ou à votre appétit) de faire la tournée des bars avec vos potes...
Autrement dit, on n'est pas libre quand on suit l'impulsion du moment, quand "on fait ce qu'on désire", comme on le pense souvent, mais, au sens strict, quand on fait ce que l'on veut (voir différence Désir/Volonté); quand avec l'aide de notre raison, on se donne une loi, une règle, un principe, et que l'on s'y tient.
Cette conception de la liberté définit la liberté morale aussi bien que la liberté politique chez Rousseau. Dans un Etat juste, dans lequel les citoyens sont à l'origine des lois, en leur obéissant, ils sont libres puisqu'elles sont censées être l'œuvre de leur raison.

Notions liées : La liberté – Le devoir – L'État – Le droit et la justice - Le désir


« Ainsi la mathématique peut être définie comme le domaine dans lequel nous ne savons pas de quoi nous parlons, ni si ce que nous disons est vrai. »

Russell (Bertrand)
,  Mysticisme et logique

Cette phrase ressemble à une provocation, à une boutade. Elle l'est sans doute, pour une part. Un "matheux" veut croire que les vérités mathématiques sont les seules qui soient établies absolument, avec rigueur : en mathématiques, tous les énoncés sont absolument certains, parce que tout est démontré !
C'est ce caractère absolu de la vérité mathématique que les développements récents de cette discipline, et la réflexion des logiciens et des philosophes, viennent mettre à mal à la fin du XIXe siècle (voir cours sur la démonstration, partie III) : les énoncés mathématiques portent sur des objets abstraits, qui n'ont d'existence qu'idéelle, et leur "vérité" est relative au système dans lequel ils s'insèrent.

Notions liées : La raison et le réel - La vérité - La démonstration - La matière et l'esprit


« Le désir est une conduite d'envoûtement. »

Sartre
,  L'être et le néant

Cette phrase est tirée d'une partie de L'être et le néant consacrée aux "relations concrètes avec autrui". Le désir dont il est ici question est le désir sexuel.
Sartre part de l'idée commune selon laquelle quand on désire l'autre, on désire le posséder physiquement, que ce désir est un désir de possession physique. Pour Sartre, si l'on désire effectivement le corps de l'autre, ce n'est pas seulement en tant que corps, mais en tant que dans ce corps s'est incarnée sa conscience. C'est donc de sa conscience ou de sa liberté "empâtée" dans son corps devenu chair que nous voulons en réalité nous rendre "maîtres"... Dingue, non ?

Notions liées : Le désir – Autrui – La liberté – La conscience