Cardon (Dominique)
Les traits de l'identité en ligne
Commençons par la première variable pour bâtir une carte des différents traits de l’identité personnelle que nous projetons en ligne (document 31). Le processus d’individuation qui a cours dans nos sociétés fait apparaître à nouveau deux grandes tensions. L’une, parfois qualifiée de processus de subjectivation, oppose l’être et le faire (axe horizontal) : d’un côté, les signes d’une identité acquise, incorporée, stable et durable – ce que l’on est ; de l’autre côté, les signes d’une identité active – ce que l’on fait –, qui porte la trace de nos choix, de nos compétences et de nos réalisations. L’identité est à la fois reçue et produite. La seconde tension qui travaille l’identité dans les mondes numériques peut être appelée dynamique de simulation de soi (axe vertical) : d’un côté, le réalisme de l’identité, ce que je suis pour mes proches, pour ceux qui me connaissent et qui me voient ; de l’autre côté, l’identité que je projette. Cette dernière est parfois appelée identité virtuelle, mais le terme de virtuel est trompeur car on le comprend trop souvent comme un simulacre, une duperie, un déguisement de soi. Or, virtuel ne s’oppose pas à réel, mais à actuel ; il veut donc dire potentiel. Nous projetons sur les réseaux sociaux une image de nous-même qui est un désir, un devenir possible, bref une image que l’on aimerait valoriser et faire reconnaître par les autres. L’identité est à la fois un présent et une projection de soi.
Cardon (Dominique), Culture numérique, 2019