Epicure
2. La crainte des dieux
En premier lieu, regarde la divinité comme un être immortel et bienheureux, ce qu’implique
déjà la façon ordinaire de la concevoir. Ne lui attribue rien qui soit en opposition avec son immortalité
ou incompatible avec sa béatitude. Il faut que l’idée que tu te fais d’elle contienne tout ce qui est
capable de lui conserver l’immortalité et la félicité. Car les dieux existent et la connaissance qu’on en
a est évidente, mais ils n’existent pas de la façon dont la foule se les représente. Celle-ci ne garde
jamais à leur sujet la même conception. Ce n’est pas celui qui rejette les dieux de la multitude qui doit
être considéré comme impie, mais celui qui leur attribue les fictions de la foule. En effet, les
affirmations de cette dernière ne reposent pas sur des notions évidentes, mais sur des conjectures
trompeuses. De là vient l’opinion que les dieux causent aux méchants les plus grands maux et qu’ils
octroient aux bons les plus grands biens. Toujours prévenus en faveur de leurs propres vertus, les
hommes approuvent ceux qui leur ressemblent et considèrent comme étrange ce qui diffère de leur
manière d’agir.
Epicure, Lettre à Ménécée,