Freud

Nous avons besoins de remèdes pour supporter la vie

La vie telle qu’elle nous est imposée est trop dure pour nous, elle nous apporte trop de douleurs, de déceptions, de tâches insolubles. Pour la supporter, nous ne pouvons pas nous passer de remèdes sédatifs. Ces remèdes, il en est peut-être de trois sortes : de puissantes diversions qui nous permettent de faire peu de cas de notre misère, des satisfactions substitutives qui la diminuent, des stupéfiants qui nous y rendent insensibles. Quelque chose de cette espèce, quoi que ce soit, est indispensable. Ce sont ces diversions que vise Voltaire quand il donne comme accord final à son « Candide » le conseil de cultiver son jardin ; l’activité scientifique, elle aussi, est une telle diversion. Les satisfactions substitutives, comme celles offertes par l’art, sont, en regard de la réalité, des illusions, elles n’en sont pas pour autant moins efficientes psychiquement, grâce au rôle que la fantaisie a assumé dans la vie d’âme. Les stupéfiants influencent notre être corporel, en changeant son chimisme.

Freud, Le malaise dans la culture, 1929