Kant

Le pouvoir de dire "Je"

Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la Terre. Par là, il est une personne; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison dont on peut disposer à sa guise; et ceci, même lorsqu'il ne peut pas encore dire Je, car il l'a dans sa pensée. (...)

Il faut remarquer que l'enfant qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu'assez tard (peut-être un an après) à dire Je; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher, etc.); et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler. Auparavant il ne faisait que se sentir; maintenant il se pense.

Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Livre I, §1, 1798

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